Motivation des jugements – Infractions douanières
Contentieux douanier pénal - Le juge doit motiver sa décision au regard de l'ampleur et de la gravité de l'infraction douanière commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l'amende douanière qu'il retient.
Référence : Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 janvier 2023, n° 21-87.258, FS-B (publié au Bulletin)
Contentieux douanier pénal
Le juge doit motiver sa décision au regard de l’ampleur et de la gravité de l’infraction douanière commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l’amende douanière qu’il retient.
L’affaire concerne des condamnations pour détention et fabrication frauduleuses de tabac manufacturé, le prévenu étant poursuivi par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières.
En première instance, le Tribunal correctionnel avait condamné le prévenu à dix mois d’emprisonnement avec sursis. Sur l’action fiscale, le Tribunal l’avait condamné au paiement d’une amende douanière de
48 620 euros, d’une amende fiscale de 2 000 euros et d’une pénalité proportionnelle de 30 300 euros.
Amende douanière de 120 212 €
La Cour d’appel de Versailles avait porté l’amende douanière à la somme de 120 212 euros. Pour se faire, elle avait énoncé que la peine d’amende douanière prononcée par les premiers juges pour le délit douanier devait être infirmée pour défaut de base légale, le minimum légal de celle-ci étant la valeur de l’objet de la fraude, soit en l’occurrence la valeur de 120 212 euros.
Le condamné saisissait alors la Cour de cassation notamment au motif que « eu égard à l’ampleur et à la gravité de l’infraction commise, ainsi qu’à la personnalité de son auteur, les juges du fond peuvent réduire le montant des amendes fiscales jusqu’à un montant inférieur à leur montant minimal ; qu’en prononçant une amende douanière de 120 212 euros, somme présentée par la cour d’appel comme le minimum légal correspondant à la valeur de l’objet de la fraude, lorsqu’il lui appartenait de prendre en compte l’ampleur, la gravité de l’infraction commise et la personnalité de son auteur afin de réduire cette amende en-dessous de son minimum légal, la cour d’appel a méconnu les articles 414 et 369 du code des douanes ».
Toute peine doit être motivée
Le moyen est retenu par la Cour de cassation au visa des articles 365, 369 du code des douanes, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. La haute Cour estime ainsi qu’il « résulte du premier et des trois derniers qu’en matière douanière, toute peine d’amende doit être motivée ».
Par conséquent, « le juge qui prononce une amende en application de l’article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées, après avoir recherché la valeur de l’objet de fraude et fixé en conséquence les montants minimum et maximum de l’amende encourue, doit motiver sa décision au regard de l’ampleur et de la gravité de l’infraction commise ainsi que de la personnalité de son auteur, quel que soit le montant de l’amende qu’il retient. »
La Cour de cassation de cassation ajoute que c’est à tort que la Cour d’appel s’est considérée comme tenue de prononcer l’amende minimale encourue sans s’expliquer sur l’ampleur et la gravité de l’infraction commise, ni sur la personnalité du prévenu, qu’elle devait prendre en considération pour fonder sa décision.
Revirement de jurisprudence
Cette décision est un revirement. Dans un arrêt récent du 7 septembre 2022 (n° 21-85.236) la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait considéré que la sanction douanière de la confiscation, prévue à l’article 414 du Code des douanes, échappait, en raison de l’article 369 du Code des douanes, aux articles 485 du code de procédure pénale (motivation des décisions pénales) et 132-1 du Code pénal qui, notamment, dispose :
« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée. Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale (…) »
On saluera cette nouvelle jurisprudence soumettant la procédure douanière aux principes fondamentaux de la motivation des sanctions et de l’individualisation de la peine.
René Ledru – Avocat
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