Visite douanière – Non conformité à la Constitution

L’article 60 du code des douanes relatif aux visites douanières est contraire à la Constitution.

Référence : Conseil constitutionnel, 22 septembre 2022, n° 2022-1010 QPC

Contentieux douanier pénal

L’article 60 du code des douanes relatif aux visites douanières est contraire à la Constitution.

L’article 60 du Code des douanes national disposait :

« Pour l’application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes. »

Interprétation extensive de la Cour de cassation

Cette disposition était interprétée de manière extensive par la Cour de cassation, par exemple :

  • est régulière l’intervention des agents douaniers qui, à l’occasion du contrôle d’un particulier se présentant au poste-frontière pour pénétrer sur le territoire national, ont procédé à la visite de ses bagages, à l’examen des mentions manuscrites figurant sur un agenda qui s’y trouvait et, consécutivement aux explications fournies, à la saisie dudit document annexé (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 18 avril 1988, 87-80.387, Publié au bulletin) ;
  • les agents des douanes sont habilités à constater les infractions à la législation sur les relations financières avec l’étranger qu’ils découvrent au cours de leur contrôle, notamment lors de la visite d’un attaché-case (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 juin 1988, 87-80.062, Publié au bulletin) ou d’un sac-à-main (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 26 février 1990, 87-84.475, Publié au bulletin ) ;
  • l’article 60 autorise la fouille des vêtements (Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 22 février 2006, 04-87.027, Publié au bulletin) ;
  • en revanche, la fouille d’un portefeuille n’est pas autorisée par l’article 60 (Cour de cassation, Chambre criminelle, du 15 octobre 1984, 83-93.689, Publié au bulletin).

Censure du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel met un terme à ce dispositif et à son interprétation jurisprudentielle qui permettait des contrôles trop généralisés et discrétionnaires en jugeant ainsi :

« 7. La lutte contre la fraude en matière douanière, qui participe de l’objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d’infractions, justifie que les agents des douanes puissent procéder à la fouille des marchandises, des véhicules ou des personnes.

8. Toutefois, les dispositions contestées permettent, en toutes circonstances, à tout agent des douanes de procéder à ces opérations pour la recherche de toute infraction douanière, sur l’ensemble du territoire douanier et à l’encontre de toute personne se trouvant sur la voie publique.

9. En ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations, tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l’existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d’une infraction, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée. 

10. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution. »

Droits fondamentaux

Cette décision s’imposait pour rééquilibrer les rapports entre plusieurs principes à valeur constitutionnels dont la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée et pour encadrer le droit douanier, encore assez souvent, éloigné, dans les textes et la pratique du respect des principes fondamentaux.

On notera également que le Conseil constitutionnel prend le contre-pied de la Cour de cassation. Celle-ci avait en effet jugé récemment que : l’article 60 du code des douanes « ne méconnaît à l’évidence aucun des droits ou principes que la Constitution garantit ; que le droit de visite exercé par les agents des douanes, qui, sous le contrôle d’un juge, n’autorise aucune mesure coercitive et ne permet le maintien à disposition des personnes que le temps strictement nécessaire aux vérifications effectuées et à leur consignation, répond, sans disproportion, aux objectifs de valeur constitutionnelle de lutte contre les fraudes transfrontalières et les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne » (Cass. Crim. 13 juin 2012, n° 12-90.025). Deux décisions diamétralement opposées, ce qui interroge nécessairement.

René Ledru – Avocat

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