Infractions douanières, individualisation et motivation des sanctions
Les infractions douanières sanctionnées par l’article 414 du code des douanes échappent aux règles de motivation et d'individualisation des articles 485 du code de procédure pénale et 132-1 du code pénal.
Référence : Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 septembre 2022, n° 21-85.236 https://www.courdecassation.fr/decision/631841b5f75a164f1345091f
Contentieux douanier pénal
Les infractions douanières sanctionnées par l’article 414 du code des douanes échappent aux règles de motivation et d’individualisation des articles 485 du code de procédure pénale et 132-1 du code pénal.
Exportation de déchets
L’exportation de déchets fait partie des problématiques particulièrement contrôlée par l’administration des douanes.
En l’espèce, un commissionnaire de transport était intervenu dans l’exportation de plusieurs tonnes de batteries automobiles usagées non dépolluées à destination de Madagascar.
Les services des douanes avaient saisi, dans des containers déclarés par le prévenu pour le compte de tiers à destination de Madagascar, ces batteries usagées ne figurant pas sur les déclarations d’exportation.
Violation d’une prohibition légale
La Cour d’appel avait déclaré le prévenu coupable de violation d’une prohibition légale ou réglementaire d’exportation de marchandises au titre de l’article 428 du Code des douanes, l’avait condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis, au paiement de diverses amendes et à la confiscation de sommes saisies à son domicile.
Selon le premier moyen du pourvoi, le commissionnaire de transport soutenait que le délit douanier précité supposait un fait d’exportation qui se définit comme le franchissement de la frontière douanière vers ou depuis la France, ce qui, selon le moyen, n’était pas le cas dans l’affaire en cause.
Omission de déclarer des batteries
La Cour de cassation écarte ce moyen en retenant que le prévenu, en omettant de mentionner sur les déclarations à l’export les batteries usagées placées dans les containers, a méconnu les dispositions législatives et réglementaires portant prohibition d’exportation de ces marchandises. « En effet, ce seul constat suffit à caractériser l’élément matériel du délit prévu à l’article 428, 1, du code des douanes, réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées, sans qu’il soit nécessaire d’établir le franchissement d’une frontière douanière par la marchandise ».
La Cour de cassation écarte ce moyen en retenant que le prévenu, en omettant de mentionner sur les déclarations à l’export les batteries usagées placées dans les containers, a méconnu les dispositions législatives et réglementaires portant prohibition d’exportation de ces marchandises. « En effet, ce seul constat suffit à caractériser l’élément matériel du délit prévu à l’article 428, 1, du code des douanes, réputé exportation sans déclaration de marchandises prohibées, sans qu’il soit nécessaire d’établir le franchissement d’une frontière douanière par la marchandise ».
Le moyen était voué à l’échec compte tenu des termes dudit article 428 :
«1. Est réputée importation ou exportation sans déclaration de marchandises prohibées toute infraction aux dispositions, soit législatives, soit réglementaires portant prohibition d’importation, d’exportation ou de réexportation ou bien subordonnant l’exportation ou la réexportation au paiement de droits, de taxes ou à l’accomplissement de formalités particulières lorsque la fraude a été faite ou tentée par les bureaux et qu’elle n’est pas spécialement réprimée par une autre disposition du présent code. » L’omission de mentionner dans la déclaration en douane les batteries usagées interdites à l’exportation peut difficilement échapper à la qualification d’infraction aux dispositions portant prohibition d’exporter des déchets.
Pas de motivation et d’individualisation au sens du code de procédure pénale et du code pénal
Selon le second moyen, le prévenu estimait que le principe de l’individualisation et de la motivation des peines n’était pas respecté car, pour prononcer à l’encontre du prévenu la confiscation des biens saisis, la cour d’appel s’était bornée à énoncer « qu’en application de l’article 414, alinéa 1, du code des douanes, la peine complémentaire de confiscation est confirmée ».
L’argument est également rejeté par la Cour de cassation qui estime que « le prononcé, par le juge correctionnel, de la confiscation prévue à l’article 414 du code des douanes en répression des infractions de contrebande et d’importation ou d’exportation sans déclaration de marchandises prohibées est soumis aux dispositions spécifiques de l’article 369 du code des douanes et échappe, par conséquent, aux prescriptions des articles 485 du code de procédure pénale et 132-1 du code pénal ».
Circonstances atténuantes – Article 369 du code des douanes
Les infractions douanières en cause sont, selon la Cour de cassation, soumises au régime spécifique de modulation et de personnalisation des peines prévu par l’article 369 du code des douanes.
Selon ledit article, cette modulation n’est pas une obligation pour le juge.
Cet article dispose en effet (nous soulignons dans le texte) :
« 1. S’il retient les circonstances atténuantes, le tribunal peut :
a) libérer les contrevenants de la confiscation des moyens de transport ; ces dispositions ne sont toutefois pas applicables dans les cas où les actes de contrebande ou assimilés ont été commis par dissimulation dans des cachettes spécialement aménagées ou dans des cavités ou espaces vides qui ne sont pas normalement destinés au logement des marchandises ;
b) libérer les contrevenants de la confiscation des objets ayant servi à masquer la fraude ;
c) réduire le montant des sommes tenant lieu de confiscation des marchandises de fraude jusqu’au tiers de la valeur de ces marchandises ;
[…] »
Selon cet arrêt, la confiscation n’avait donc pas à être motivée en application de l’article 485 du code de procédure pénale. Par ailleurs, et en conséquence, toujours selon la Cour de cassation, l’article 132-1 du code pénal, imposant l’individualisation de la peine prononcée, ne pouvait être appliqué. Ce faisant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation faisait application de sa précédente jurisprudence sur cette question (7 novembre 2018, 17-84.616, Publié au bulletin).
Critique
Cette décision est critiquable. En effet, si l’article 369 du Code des douanes n’oblige pas le juge à moduler les sanctions fiscales (confiscation, amende) ou à dispenser le coupable des sanctions pénales prévues par le Code des douanes, il ne déroge pas au principe de la motivation des décisions. Un revirement de jurisprudence est d’ailleurs intervenu quelque mois après dans un arrêt rendu par une formation de la Chambre criminelle de la Cour de cassation présidée par un autre magistrat (Cass. crim. 5 janvier 2023, n° 21-87.258, FS-B).
René Ledru – Avocat
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